Encore un évènement historique que le Festival nous propose à savoir la rencontre avec Alain Delon à qui on remettra ce soir une Palme d’or d’honneur pour l’ensemble de sa carrière.
La rencontre se fait dans la salle Buñuel, il n’y aura pas de place pour tout le monde. Il faudra patienter longtemps mais l’enjeu en vaut la chandelle.
Chemise blanche, costume noir. Voici Alain Delon accueilli par un tonnerre d’applaudissements. Il est décontracté. Il profite avec délectation des acclamations. Cela fait déjà quelques minutes que nous applaudissons. Il nous est demandé d’arrêter d’utiliser les téléphones pour filmer ou photographier « la Star » car les applaudissements paraissent légers. Alain Delon prend alors la parole : « Laissez-les avec leurs téléphones. Quelques-unes ont mon numéro et on le droit de m’appeler. Merde ! Hein ma chérie ? » dit-il vers une spectatrice qui pique un fard. Il regarde le public et lâche un « Ils ne sont pas nombreux. Je sens qu’on ne va pas rester longtemps. En tout cas, merci d’être là. Je ne sais pas ce que je vais dire. On verra bien. »
Alain Delon (Copyright Thibaut Demeyer)
Avant la venue d’Alain Delon pour recevoir la Palme d’or d’honneur, une pétition avait circulé contre la venue du réalisateur de « Pour la peau d’un flic ». On lui reproche son homophobie, ses idées politiques pro Front National mais aussi son côté misogyne. Je suis donc très surprise lorsqu’il déclare « ce sont les femmes de ma vie qui se sont battues pour que je fasse l’acteur, je leur dois ma carrière » J’ai comme l’impression qu’il y a quelque chose qui ne colle pas. Quoi qu’il en soit, le Festival de Cannes a balayé d’un revers de la main cette pétition et ces déclarations. Et il a eu raison !
Je suis surprise qu’il ne parle pas ou peu de Jean Gabin ou de Lino Ventura. Il parle plutôt des metteurs en scène qui lui ont appris le métier comme Yves Allégret qui, pour son premier film, lui a donné comme conseil : « Alain, ne joue pas, sois toi-même. Regarde comme tu regardes, parle comme tu parles, écoute comme tu écoutes » ajoutant et à juste titre : « Il y a des gens qui deviennent comédiens, ils étudient, font une école... D’autres, comme Lino Ventura ou Bernard Tapie, sont des personnalités fortes mises au service du cinéma. C’était mon cas ». Le réalisateur Claude Lelouch tient aussi ce genre de propos concernant la réalisation. Pour lui, on n’apprend pas à faire du cinéma, on le vit. « Le cinéma, c’est comme l’amour, on ne l’apprend pas, on le vit en le faisant. »
Quelques extraits de films viennent interrompre le jeu des questions-réponses. A chaque fois, Alain Delon s’en retourne ému. Voilà une facette que je ne connaissais pas : Alain Delon émotif !
Autre chose que j’apprends. S’il est devenu producteur, c’était pour lui le seul moyen de devenir patron sur un film. « Je n’ai pas fait d’études, je ne suis pas auteur, je ne suis pas un écrivain. Être producteur m’a permis de m’imposer. »
Malheureusement, il ne nous a pas été possible de lui poser quelques questions. Dommage, mais en tout cas, cette rencontre fut un beau moment à vivre.
Brigitte LEPAGE