« Mes amis, retenez bien ceci. Il n’y a ni mauvaises herbes ni mauvais hommes. Il n’y a que de mauvais agriculteurs. Victor Hugo. » C’est par cette citation que se termine le film de Ladj Ly intitulé « Les Misérables ». Une œuvre qui va crescendo pour terminer par vous donner des frissons dans le dos.
Les banlieues dans le cinéma français, c’est un peu un effet de mode depuis le succès, il y a 25 ans, de Matthieu Kassovitz avec « La Haine ». On pourrait effectivement penser cela. Mais pris sous un autre angle, on peut aussi dire que rien n’a changé depuis 25 ans et que forcément, les cinéastes continuent à attirer notre attention sur cet épineux problème. Le plus dur pour celles et ceux qui souhaitent traiter du sujet, c’est de ne pas tomber dans le cliché. Et ce n’est pas gagné d’avance.
Tout commence par une France en folie, les drapeaux bleu blanc rouge flottent partout sur les Champs Elysées. La Marseille est chantée à tue-tête, il n’y a que des français, plus de black, plus de beur, tous unis dans la victoire d’une nation championne du monde du ballon rond. Plan suivant, le ton change. Trois flics de la BAC (Brigade anti came) sont dans une voiture. Le troisième est une nouvelle recrue. Son supérieur hiérarchique le briefe sur leur façon de travailler avant d’arriver au bureau et d’être à nouveau briefer mais cette fois par Madame le Capitaine. On a du mal à croire que ces gars ont le niveau BAC !
Face à eux, il y a les habitants de la Cité avec leur code de bonnes ou mauvaises conduites et un intérêt commun : se tenir à carreau parce que la BAC veille. Tout semble rouler paisiblement dans la Cité. Chacun a son petit trafic et tout le monde est content si ce n’est Chris, le chef de la BAC qui est plutôt du genre excité et frimeur et jamais contre une petite embrouille histoire de rappeler que la loi c’est lui. Tout cela n’a rien de bien méchant même si Stéphane, alias Peno la nouvelle recrue, trouve que par moment ses coéquipiers dépassent la ligne blanche. Mais que dire ? Que faire si ce n’est d’observer. Sauf qu’un jour, Gwada, le troisième flic de la bande, commet une bévue sur un enfant de moins de 15 ans. Une bévue que l’on pourrait maquiller sans trop de problème. Mais le hic c’est qu’un gamin de la banlieue, via son drone, a filmé l’incident. Et c’est là que la situation finit par tourner en cacahuète.
La difficulté pour Ladj Ly à raconter cette histoire, c’est de ne pas tomber dans les clichés des banlieues mais plutôt à nous interpeller sur la nature humaine. Celle où, quel que soit le côté de la barrière, il y a des bons et des méchants. Que les méchants ne l’étaient peut-être pas avant mais qu’un événement auquel ils ont été confrontés a changé leur nature humaine. Dans le cas de « Les Misérables », c’est le petit Issa qui sera à la fois victime et bourreau car même jeune, on a droit au respect et à sa dignité.
« Les Misérables » bénéficie d’une mise en scène remarquable mais aussi de messages porteurs qui incitent le spectateur à se poser des questions, mais de bonnes questions sans pour autant juger les uns ou les autres.
Thibaut Demeyer